Principes et méthodes inspirés du pragmatisme pour démocratiser la transition agroécologique
Le point de départ est la proposition que chacun des principes agroécologiques touche à des questions publiques qui ne peuvent pas seulement être capturées dans des recommandations politiques ou des publications scientifiques. Elles doivent être discutées dans le dialogue avec les acteurs sur le terrain et à partir d’une position égale en tant que citoyens. Le projet PragmaTAE vise donc à créer un espace réflexif dans la région Occitanie autour de la réactivation de la sphère publique pour œuvrer à la transition agroécologique et accompagner localement et démocratiquement la transformation des systèmes agri-alimentaires vers plus de durabilité. Plus spécifiquement, le projet cherche à développer les conditions permettant à des personnes d’horizons différents de se connecter à une question sociétale liée à l’agroécologie et à opérationnaliser le concept de « démocratie créative » de John Dewey pour déployer une enquête collective qui soutienne la transition agroécologique. Ce projet a permis de consolider un cadre conceptuel basé sur la philosophie pragmatiste pour un accompagnement des transitions agroécologiques en impliquant les citoyens. Ce cadre va permettre de concevoir dans des communautés rurales des dispositifs d’action collective satisfaisants pour les participants et d’ajuster les interventions des acteurs impliqués dans la transition agroécologique.
Objectifs
- Axe conceptuel : explorer comment le concept de public démocratique peut être appliqué au programme agroécologique
- Axe interactif : réfléchir au rôle que les chercheurs peuvent jouer dans l’animation de la sphère publique
- Axe empirique : sonder les perceptions des agriculteurs d’une « démocratie agraire » et de l’importance de restaurer une sphère publique pour débattre des questions agricoles
- Axe appliqué : Introduire le concept de publics démocratiques dans un autre projet régional, COTERRA, pour réfléchir au rôle du GIEE dans la fourniture d’un espace réflexif sur les différentes formes d’autonomie parmi les agriculteurs.
Résultats
- La littérature actuelle sur la dimension politique de l’agroécologie ne conceptualise pas suffisamment le rôle de la sphère publique. L’approche deweyienne de l’agroécologie propose une nouvelle perspective sur l’adoption des principes agroécologiques hiérarchisés selon une entrée technique ou sociale. En prenant en compte les défis publics sous-jacents, l’ensemble de ces principes est envisagé sur un pied d’égalité. La communauté des chercheurs peut jouer un rôle clé dans la mise en œuvre de ces principes grâce à cette approche.
- Les chercheurs soulignent la pertinence d’une révision de la mission de la communauté de recherche dans le but de jouer un rôle de facilitateur dans la sphère publique. Ils soulignent la nécessité de formations des chercheurs mais également des citoyens aux formes de mobilisation locales de publics sur les questions de transition agroécologique .
- Les agriculteurs ont le sentiment d’être sous-représentés dans le débat public et la nécessité de restaurer un dialogue démocratique pour dépasser la polarisation grandissante du public au sujet des transformations de l’agriculture et de l’alimentation.
- La théorie politique de John Dewey a besoin d’une clarification théorique supplémentaire avant de pouvoir être pleinement appliquée.
- Le projet a initié un réseau de chercheurs intéressés par cette approche pragmatique aux niveaux régional et européen, et a permis d’appuyer le montage de futurs projets de recherche.
- Réaliser une analyse de la littérature pour renseigner l’axe conceptuel
- Organiser des ateliers auprès de chercheurs de Toulouse et Montpellier pour réfléchir au rôle que les chercheurs pourraient jouer dans l’animation de la sphère publique.
- Mener des entretiens avec une diversité d’agriculteurs
- Organiser un atelier en collaboration avec le projet COTERRA
- Chercheur.es de Toulouse et Montpellier
- Agriculteurs et agricultrices de la Région Occitanie
Région Occitanie avec différents terrains jouant sur deux dimensions : communauté et engagement
- Laurent HAZARD [-], UMR AGIR, équipe MAGELLAN, INRAE Toulouse
- Christian LECLERC [Eco-anthropologie], UMR AGAP, équipe DDSE, CIRAD Montpellier
- Chloé LECOMTE [Sciences de gestion], UMR Innovation, équipe SIRA, CIRAD Montpellier
- Pascale MOITY-MAIZI [Anthropologie], UMR SENS, Institut Agro Montpellier
- Aude VIALATTE [Agroécologie des paysages], UMR Dynafor, INRAE Toulouse
Publications
- Crivits M., and Hazard L. (submit). Public Agroecology: the role of public spheres in knowledge co-creation and societal transformation.
- Hazard L., Crivits M., Ducos A., Levain, Magrini MB., Salembier C.(submit). Ten pragmatic principles for managing agroecological transition in the field.
- Crivits M., Clement-Kumar F., and Hazard L. (in prep). Adopting democratic publics to revive agroecology at the base: the case of the GIEE and autonomy.
Perspectives
- Elaborer des documents scientifiques pour renseigner les différents axes
- Animer un groupe thématique avec des chercheurs pour réfléchir au rôle que les chercheurs peuvent jouer dans l’animation de la sphère publique.
Consulter la présentation initiale du projet
La transition vers une agriculture et une alimentation durable peine à engager les gens, du producteur au consommateur, dans les transformations profondes qui doivent être réalisées. Aux risques liés aux changements globaux s’ajoutent les risques de polarisation de la société, d’apathie et de défiance vis-à-vis du politique et de la science, et de montée des populismes. Le problème n’est pas tant la massification de la transition que celui de sa démocratisation, gage de l’engagement des citoyens dans une transformation structurelle source d’apprentissages profonds. Dans cette tâche, la nécessaire re-territorialisation des systèmes agri-alimentaires est une chance pour coupler démocratie locale et agroécologie afin de les reconfigurer.
Dans ce projet, nous voulons développer les conditions permettant à des personnes d’horizons différents de se connecter à un problème local lié à l’agroécologie, tel que la santé des sols, la biodiversité, la relance de l’économie locale ou la justice dans les filières… En effet, chacun de ces défis agroécologiques embarque l’intérêt public et une perspective personnelle d’action qui sont souvent ignorés au profit de l’action des seuls experts et professionnels.
Lier les problèmes concrets qui se posent à une communauté rurale à l’expérience des individus/citoyens nécessite de concevoir un cadre d’intervention pour accompagner localement et démocratiquement la transformation des systèmes agri-alimentaires vers plus de durabilité. Se posent alors les questions suivantes :
– Comment déployer une enquête collective qui soutient la transition agroécologique ?
– Comment mobiliser la démarche et les connaissances scientifiques dans cette démarche d’enquête pour accompagner la résolution du problème posé dans son contexte ?
Pour répondre à ces questions, des chercheurs de Toulouse et Montpellier, engagés dans diverses formes de recherche participatives dans les pays des Suds et du Nord, seront mobilisés. Les résultats attendus sont :
– un cadre conceptuel d’une démocratisation de l’agroécologie (publications scientifiques),
– un guide pratique pour la création et l’animation de communauté démocratique locale sur la transition agroécologique,
– la constitution d’un réseau européen sur l’agroécologie démocratique.